Tunghuraua, la randonnée la plus difficile de ma vie

Le Tungurahua est un volcan à proximité de la ville de Baños. Culminant à 5023 m d’altitude, ce volcan actif offre par moment un spectacle de magma aux habitants du coin. Une des choses que j’aimerai voir au moins une fois dans ma vie! Mais pour le coup, même si ce volcan est actif, il n’est pas en éruption ces temps ci.

Malgré son ampleur, ce colosse n’est pas visible du centre de Baños, et à tendance à se faire oublier des voyageurs. Ils profitent des très réputés thermes de la ville sans se douter que cette eau à 40° est un cadeau du Tungurahua.

Lors de ma première soirée à Baños, je découvre l’existence du monstre noir : j’ai tout de suite été séduit : un volcan à plus de 5000 m, actif, au sommet accessible en solo…

Où est-ce qu’on signe ?!

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Tungurahua

C’est sans tarder que je monte l’expédition. Mon room mate Julian est tout de suite partant. Pour les autres, ils jugent l’ascension trop difficile pour se joindre à nous.

Préparatifs

Sur les conseils de l’auberge, le programme est le suivant : départ tôt le lendemain, marche jusqu’au sommet, descente au refuge pour y passer la nuit, puis retour à Baños.

Petit bémol, nous n’avons pas de sac de couchage pour dormir au refuge. Mais quelques minutes me suffisent pour en obtenir un, gracieusement prêté par Pierre, rencontré à l’auberge. Pour Julian, on parcourt la ville pour lui en louer un. Chose faite, on passe aux provisions, histoire de ne pas mourir de faim !

Demain va être une journée sportive, alors on se nourrit plus que convenablement, avec une grande assiette de riz, de poulet, et de légumes – par légumes, comprenez pâtes et pommes de terre!

Le temps de boucler les sacs et d’ajuster les derniers préparatifs, je rejoins mon lit à 23h30. La nuit est courte. La douce mélodie du réveil se fait entendre… 3h du matin, debout ! Bizarrement, je ne me sens pas fatigué !

Vers le refuge

Depuis le terminal nous prenons un taxi qui nous emmène à l’entrée du Parc National Sangay. Nous sommes à 2800 m d’altitude, il est 4h20 et nous voila parti pour rejoindre le refuge.

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3h de sommeil…

Une marche matinale qui débute dans le noir complet. Et oui, pas de frontale dans nos sac à dos, « z’ai oublié »! Heureusement, Julian a une lumière sur son porte clé… ça n’éclaire pas des masses!

Cuidado! Julian s’arrête à quelques centimètres du barbelé !

Dans l’obscurité, nous apprenons à esquiver les branchages éparpillés sur le chemin, mais nous ignorons tout de ce qui nous entoure. Parfois nous devinons des passages sous des voûtes de végétation, mais rien d’autres. De temps à autres nous nous arrêtons pour apprécier le silence de la nuit en pleine forêt. Ça c’est cool !

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La lueur du jour arrive, le climat devient plus frais, plus humide, mais au moins nous profitons des paysages. Le chemin ne fait que monter, maintenant je le vois! Depuis l’entrée du parc, c’est 2 km pour rejoindre le refuge, et 1000 m de dénivelé positif.

Psychologiquement, est-ce plus facile de gravir une côte sans en voir l’inclinaison ? Ma réflexion du moment.

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Enfin, le chemin se dessine

Il est presque 7h lorsque nous arrivons au refuge à 3800 m. Je suis trempé, j’ai les orteils gelés, j’ai froid ! Deux filles sont là, emmitouflées jusqu’au yeux.

« Vous n’êtes pas plus couvert? Il fait deux fois plus froid la haut ! ».

Je crois avoir répondu : « Ah ».

Julian fait bouillir un peu d’eau, pour tenter de nous réchauffer. Pendant ce temps, je met des affaires sèches, normalement prévues pour la nuit au refuge. Tant pis, il fait trop froid.

Heureusement, la pause petit déjeuner au refuge nous redonne l’énergie nécessaire pour s’y remettre.

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Refuge

Vers le sommet

Nous quittons le refuge à 7h30, pour rejoindre le sommet 2 km plus loin, et 1200 m plus haut. Une première partie avec de la végétation, qui ne tardera pas à laisser la place à un paysage lunaire, brûlé.

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Voilà 1h que nous marchons, la tête dans les nuages. Résultat, les particules d’eau – des nuages – trempent nos affaires et la visibilité est plus que réduite. Juste ce qu’il faut pour voir que la pente est plus que prononcée.

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Le chemin se repère par des petits drapeaux plantés sur des bouts de roseaux, et par les traces de pas dans le sable noir. Parce qu’en plus d’avoir une pente à 45°, le mec qui a fait ce volcan c’est dit qu’il allait y ajouter du sable. Histoire de compliquer un peu la chose!

Là je ressens les 3h de sommeil ! Le dénivelé est fou ! Ça monte, ça monte, j’ai jamais vu ça ! Je me demande pourquoi j’ai fait du vélo hier, j’ai les cuisses qui brûlent !

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Une petite pente bien sympathique!

Je remercie la personne qui à laissée un bâton de marche au refuge, sans ça, l’ascension aurait été très très difficile. Mais avec le bâton, l’ascension est juste très difficile ! 🙂

Chaque pas est un effort. Il faut pousser suffisamment fort pour atteindre une zone voulue : un caillou par exemple pour éviter de repartir en arrière. Des fois j’enchaîne plusieurs pas rapide, en courant pour atteindre un point de butée.

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Julian est devant, je me console en me disant qu’il est préparateur physique ! Les pauses sont fréquentes et stratégiques! Il faut trouver le bon endroit pour se caler et ne pas dévaler la pente.

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Rocas!

Plus haut, un groupe provoque des chutes de pierres ! A chaque pas, une traînée de pierres glisse dans le sable, suivi du fameux « Rocas » – crié par le groupe pour prévenir du danger. Donc si vous entendez ce mot, soyez vigilant, et mettez vous à l’abri! Les pierres dévalent la pente, tournent sur elles mêmes, rebondissent sur les rochers, et volent à plusieurs mètres au dessus du sol. C’est impressionnant, ça fait flipper!

Nous sommes restés 20 minutes à couvert derrière un gros bloc de roche, collés aux parois, à attendre que tout se calme.

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La voie est libre. La montée se fait dans un sillon épais de sable. Obligé d’y mettre les mains pour avancer, le souffle court. L’épreuve est très physique. J’hésite à abandonner l’ascension, à m’arrêter là et attendre Julian. Je me pose la question plusieurs fois… et puis m**** ! Je ne suis pas venu jusqu’ici pour renoncer! J’y arriverai! A mon rythme mais j’y arriverai!

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Sur mon téléphone la distance jusqu’au sommet est 600 m. Pour me motiver je compte les pas dans ma tête. La règle est simple, 2 pas dans ce sable vertigineux égale 1 mètre. Je dois compter jusqu’à 1200! Courage ! Obligé de faire des petits pas dans cet environnement. N’oublions pas qu’on frôle les 5000 m, qu’on patauge dans du sable, et que la pente est plus que prononcée!

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A mi-chemin, un mirador permet de faire une pause et d’admirer la vue. J’ai l’impression de regarder par le hublot d’un avion et de survoler les nuages.

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Mirador

Plus que 300 m. Nous sommes si près du but maintenant, ce n’est plus qu’une question de temps avant de découvrir le sommet. La chaleur du volcan se fait sentir. De la vapeur sort des rochers, on se réchauffe les mains.

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L’ascension continue… plus que 600 pas ! La côte devant moi semble être la dernière avant notre objectif. Enfin, je l’espère, on ne sait jamais réellement où est la fin.

Le cratère

Un dernier effort dans un chemin caillouteux, puis… nous y voilà! Le cratère! Ça y est, nous y sommes! On l’a fait! Une étendue toute plate, avec le cratère sur notre droite. Quel bonheur, du plat! C’est ce que je remarque avant de regarder autour de moi.

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On avance jusqu’au cratère sur un sol jonché de roche volcanique. La chaleur de ce sol se fait sentir sous nos pieds. Extra !

Je ne pouvais pas imaginer mieux comme cratère, c’est exactement l’idée que je m’en faisait, avec cette association de terre rougeâtre et de sable noir. Derrière, la vue est en partie masquée par les nuages, mais on aperçoit par moment la vallée. Encore une fois une vue digne d’un avion, grandiose!

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Depuis le refuge, à seulement 2 km, c’est en 6 heures que nous avons rejoint ce sommet, à 5023 mètres. Les derniers 300 m ont été fait en 1 heure! Imaginez!

J’en ai ch***, mais qu’est ce que je suis content d’être là.

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Par contre, il y a un autre sommet plus haut derrière le cratère… et maintenant qu’on est là! On oublie la fatigue, et on grimpe explorer ce sommet. La vue doit être mémorable! On enjambe une faille, où de la fumée s’extirpe du sol, direction un petit glacier.

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De la haut, la vue est… blanche! Juste le temps de s’extasier quelques minutes devant les stalactites de glace, puis des nuages épais foncent sur nous, se délestant de quelques glaçons (#apéro?).

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C’est le visage fouetté par la grêle que nous redescendons. Malgré le froid, on décide de grignoter sur ce sommet blanchi, avant de repartir pour le refuge.

Retour au refuge

A peine redescendu, au niveau des « rochers réchauffeur de main », on rencontre un groupe en pleine ascension. Ils nous félicitent d’avoir atteint le sommet ! C’est la première fois qu’on me félicite d’avoir marché!

La descente se poursuit en mode ski : planté de bâton puis dérapage dans le sable. Les genoux en prennent un sacré coup. J’essaye différentes techniques pour amortir les chocs; flexion, pas latéraux, course, … rien n’est plus stable et plus efficace.

La vue se dégage sur la vallée, cette sensation de hauteur est impressionnante.  Je regarde les pentes de ce volcan et l’horizon derrière. Je ne comprends pas, j’ai l’impression qu’aucun axe n’est bon.

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On reste là un long moment à admirer ce panorama, les nuages qui dansent, les couleurs du volcan autour de nous. Les rayons du soleil sont beaucoup plus agréables que la pluie de ce matin!

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Dormir au refuge ?

Arrivé au refuge en 1h30 de descente, pour le goûter! Qu’est ce qu’on fait ? On dors là au refuge, pour 10$, sans confort? Ou on retourne à Baños pour profiter de la douche chaude ?

Allez on n’est pas à ça prêt, on redescend!

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On découvre pour la première fois les chemins empruntés le matin même (#mercilalumièredujour). Depuis l’entrée du parc, un taxi jusqu’à Baños, et nous revoilà!

En arrivant à l’auberge, je me souviens du : « Ben vous êtes déjà là ? »

Et oui, sacré journée, on est mort, mais on a kiffé cet exploit!

Le topo

Pour résumé la journée, c’est 3 h de sommeil, plus de 11 h de marche, 8 km, 2200 m de montée, 2200 m de descente, un sommet à 5023 m bien mérité, du froid, de la grêle, du sable, une vue de malade, un cratère somptueux, un sol chaud, et de la vapeur.

Cette randonnée fut pour moi une ascension complète. J’ai déjà fait des sommets plus haut, mais ici, c’est carrément plus mérité.

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Tips:

  • Baños – Parc National Sangay : Taxi 15$, 40 minutes
  • Parc National Sangay (2800m) – Refuge (3800m) : 2km, 2h30
  • Refuge – Cratère (5023m) : 2km, 6h
  • Cratère – Refuge : 2km, 1h30
  • Refuge – Parc National Sangay : 2km, 1h15

3 commentaires sur “Tunghuraua, la randonnée la plus difficile de ma vie

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  1. Vous êtes dingues ! J ai fait l ascension en 95, super dure, de 2800 au refuge on a mis quatre heures ! Mauvaise nuit au refugio, parti vers 2h du mat et arrivé à 4500m j ai eu des vertiges et on a fait demi tour. Sans regret, je n en pouvais plus.

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