Une “petite” introduction
Comment tout a commencé…
Il y a quelques semaines, je dors dans le parc Cotopaxi (l’article ici), dans une hacienda. Sur les murs, une photo d’un volcan: El Altar. Pas moins de 9 sommets enneigés aux reliefs déchirés font de cette montagne une merveille. Je regarde la photo, rêveur, et me dis : « Il est vraiment beau ce volcan, il est où… »
Alors je me renseigne, en espérant pouvoir le visiter. Le verdict, une ascension au sommet très technique et dangereuse, qui nécessite un guide. Par contre, sa lagune, la Laguna Amarilla, est accessible en solo…
Accessible, oui, mais comment ?
Depuis la ville de Riobamba, des bus vont jusqu’à la Hacienda Releche, située juste après le village de Penipe. De là, démarre une randonnée de 12 km pour rejoindre un refuge, puis 5 km de plus pour monter jusqu’à la lagune. Le trek est long, il est vivement conseillé de dormir une nuit au refuge… ou de camper…
Vous avez dit camper?
J’ai tellement envie de vivre ça ! Ça fait partie de la “whishlist” du voyage. Attention, pas le camping à la sauce camping des Flots Bleus, nan! Mais un bivouac au milieu d’une nature sauvage, un bivouac qui se mérite, loin de tout, et avec un paysage splendide au réveil… j’en rêve!
Seulement voilà, je n’ai pas de matériel de camping, et ici, en Équateur, les revendeurs ne courent pas les rues. Et d’ailleurs, que faut-il pour la haute montagne? Quelle type de tente ? Quel sac de couchage? Et comment fait-on pour rentrer tout ça dans un sac à dos?
Je me renseigne, demande aux voyageurs, regarde sur les “leboncoin” d’Equateur, visite quelques boutiques, mais rien… que du matos lourd, encombrant, cher, pas adapté au trekking.
Bref, c’est mal barré !
La caverne d’Ali Baba !
Toujours cette idée de bivouac en tête, j’arrive à Riobamba, encore un peu plus proche du volcan El Altar et sa lagune… Un ami me parle d’un endroit où se vendrait du matériel de camping…
J’accours pour découvrir ce qui ce vend dans cette boutique… J’ai dit boutique… non c’est une caverne d’Ali Baba!!! 200$ plus tard, j’ai mon matos ! Tente, sac de couchage, réchaud, gaz, matelas de sol ! Je suis prêt ! Je suis tout excité, à l’idée de dormir en pleine nature !
En route vers la Laguna Amarilla!!!
Le lendemain, je pars étrenner mes nouvelles affaires. J’attrape le bus de 6h40, mon sac à dos bien rempli, pourtant j’ai laissé la moitié de mes affaires chez mon ami.
Arrivé à la Hacienda Releche, le gérant me demande si je souhaite dormir au refuge ou camper… la fierté m’envahit, je me redresse, bombe le torse et affirme:
« Voy a acampar en la laguna!!! » (trad. Je vais camper à la lagune!!!)
20$ de caution pour s’assurer que ma tente ne sera pas plantée sur l’aire du refuge- rendus sur preuve photo – et c’est parti!
De la boue et des nuages
Je partage la première moitié du trek avec un français en stage dans le pays. Lui dort au refuge. Moi, un peu plus loin. N’étant pas certain du temps nécessaire au montage de ma tente – surtout pour une première, j’accélère un peu le pas. On se retrouvera là haut !
J’étais prévenu, de la boue en veux-tu en voilà sur le chemin. J’aurais pu louer des bottes, mais mon sac est assez lourd comme ça. Le thème de la balade est donné : esquive des marres de boue par des passages dérobés.
Le paysage est brumeux depuis le début, je suis trempé et plein de terre! Mais que vois-je ? Le soleil fait une percée dans les nuages! Moment idéal pour poser le sac et profiter du paysage.
L’arrivée au refuge
Quelques traversées de flaques plus loin, j’aperçois le refuge! Yes ! En plus, j’ai une mission: retrouver l’Équatorien qui a laissé sa carte d’identité et de crédit sur le chemin. Après enquête, personne ici n’a perdu ses documents.
Le refuge offre un beau de point de vue sur la vallée menant à la lagune. 5 km à traverser pour atteindre mon but. Mais d’ici, je peux d’ores et déjà profiter du spectacle: les sommets enneigés du volcan.
Dernière ligne droite
Au travers de la vallée, s’écoule un ruisseau qui semble irrigué de toutes parts. La plaine toute entière est une éponge ! Je perds sans cesse le chemin, masqué par la végétation imbibée. Je cherche ou poser les pieds pour rester au sec…
Bon, pas le choix, pas de zone sèche alors j’y vais ! Tant pis pour les pieds ! L’histoire des bottes c’était pour cette section! J’ai les pieds trempés, j’entends “splash splash” quand je marche, avec l’effet ventouse qui va avec.
Au bout de la plaine, deux tentes marquent la fin de cette traversée… mission réussie, ici se trouve le propriétaire des cartes perdues!
Je regarde la côte qui me sépare de mon objectif, mon sac pèse sur mes épaules, les 5 h de marches aussi. Allez plus que 300 m… de dénivelé!
La montée est raide! Mon bâton me permet de tâter la rigidité du sol avant de m’y risquer. Derrière chaque buisson, chaque rocher, j’espère y être arrivé. Mais non ! Elle se fait désirer cette lagune!
Le souffle court, je laisse passer un groupe de trois touristes. Ils sont avec un guide, et viennent de descendre une paroi rocheuse…
Euh…je dois passer par là ?
C’est le seul chemin oui! Heureusement, la roche est bien faite, il y a des prises un peu partout pour monter, mais il faut s’aider de ses mains!
Encore quelques mètres et… la lagune est là ! P***** 7h de marche pour te voir toi ! Mais comme t’es belle! J’en reviens pas.
Le bivouac
Je vais me régaler ! J’ai trouvé un spot parfait pour ma tente, avec vue sur la lagune. J’hésite avec un autre endroit, beaucoup plus abrité du vent, mais sans vue. Non je prends celui avec la vue !
Allez je monte la tente! Je vais me faire un petit nid douillet, ça va être parfait ! Un peu de paille pour “l’onctuosité” du sol, et ça m’isolera du froid aussi !
Euh…pourquoi il rentre pas cet arceau! Il est trop long ou quoi ! C’est bien comme ça pourtant? Attends je refais!
J’ai mis 45 minutes pour monter ma tente. Il faut dire que les sardines se tordent dès que je tape dessus! J’espère qu’elle est bien montée…qu’elle ne va pas s’envoler, ou se déchirer!
Dire que je vais dormir là ce soir, à 4100m d’altitude!
J’entends le bruit des cascades, et par moment des bruits un peu plus sourds, peut-être des blocs de neiges qui se décrochent au loin. J’ai beau scruter, je ne vois rien tomber.
Autour de moi, les sommets se couvrent de nuages, seul Obispo est découvert! Oui c’est le nom d’un des sommets de El Altar. Ça veut dire Évêque, au cas ou vous avez à demander un Évêque en espagnol!
Bon… c’est l’heure d’essayer mes nouveaux joujoux! Il est où le réchaud? J’hésite…nouilles au poulet, ou nouilles à la viande? Oui, ici le poulet n’est pas considéré comme viande!
Bonne nuit
Il pleut. Enrobé dans mon sac de couchage, mon drap de soie, mes polaires et mérinos, j’inspecte la tente. Les coutures sont imperméables, les sardines sont en places, les parois sont sèches. OK, je peux dormir tranquille.
A 3h du matin, je me réveille. Ni une ni deux, j’ouvre la tente pour voir si les nuages se sont dispersés. A ma grande surprise, des étoiles, des étoiles de partout. C’est magnifique!
Je m’extrais de mon sac de couchage pour allez regarder le ciel depuis l’extérieur. J’ai toujours voulu faire une de ces photos comme on en voit souvent: la tente éclairée, une nuée d’étoile derrière…
Bon le rendu est différent de ce que j’imaginais, mais moi en tout cas j’ai des étoiles pleins les yeux! Je savoure cet instant comme jamais, je suis tellement bien ici, un de mes rêves se réalise.
Remplissons les bouteilles
J’aurai dormi comme un bébé dans ma nouvelle cabane, il est 9h. Les yeux encore collés (c’est pour l’image, j’ai pas les yeux collés en vrai), je m’empresse d’ouvrir la fenêtre. La lagune est toujours là, et les sommets aussi, ouf 😉
C’est l’heure de s’intéresser à la suite des événements. J’ai prévu de la nourriture pour 2 jours, mais sous réserve de trouver de l’eau! Il y a une petite cascade un peu plus bas, allons voir si elle est accessible!
Bien plus qu’accessible, il y a même une petite plage. J’y trempe les pieds…ben c’est de l’eau issue des glaciers, donc oui c’est froid!
Mes bouteilles remplies, je sais que je peux prendre le temps de profiter de l’endroit. C’est depuis ma cuisine équipée, que je me prépare un plat de nouilles, un regard sur le feu, l’autre sur la lagune.
Vers le glacier
Depuis hier, le glacier au bout de la lagune me fait de l’œil…c’est bon j’y vais! Le chemin est inexistant, ou du moins, je ne le trouve pas. Alors j’entame une série de “monte et descend” pour m’inventer un chemin. J’observe la lagune sous de nouveaux angles, c’est encore plus beau! La Laguna Amarilla – trad. lagune jaune, prend tout son sens entourée de ces fleurs jaunes.
Je passe par un pierrier. Comme à mon habitude, je regarde les cailloux histoire de voir si je ne peux pas me ramener un souvenir. Surtout en milieu volcanique, il n’est pas rare de trouver des trésors… une géode!!! Bien trop grosse pour être transportée, dommage! Cet endroit est vraiment génial!
Je continue ma marche pour me rapprocher un peu plus du glacier. Le ciel se dégage, j’admire la beauté de ce cirque volcanique où le plus haut point culmine à 5319 m.
Rappel à l’ordre de la pluie! OK, je prends le chemin du retour. Là encore en milieu humide. Je découvre ces blocs d’herbes quelques fois solides, d’autres fois qui s’effondrent sous mon poids.
Mon ultime soirée ici. Je veux profiter des derniers rayons de soleil sur la lagune. Un rocher la domine, ce sera un magnifique point de vue pour regarder la nuit tomber.
Cette soirée est plus froide que la précédente. Je prépare un thé pour me réchauffer, et pour accompagner mon plat de… nouilles – pour changer!
Le retour
Une nuit très venteuse. Je me suis levé pour enfoncer les sardines au cas ou…Mais au matin, il suffit d’ouvrir les “volets” pour oublier tout ça.
Voilà deux nuits passées au bord de cette lagune amarilla (trad. jaune) ou azul (trad. bleue), peu importe les couleurs, la beauté reste la même. J’ai des souvenirs pleins la tête, pour entamer mon retour vers la civilisation.
La plaine est toujours aussi imbibée, et le chemin toujours autant dissimulé. Je me répète sans cesse : “Il est ou ce p**** de chemin!” Mais arrivé au refuge, je me dis que le plus dur est passé.
Je crois que pendant ces deux jours passés ici, je n’ai jamais autant eu le sourire aux lèvres. Une sensation unique de liberté, d’authenticité. J’ai dormi dans une nature inimaginable, observé les étoiles, trouvé des minéraux, et accessoirement utilisé les plus beaux WC de ma vie 🙂
Tips
- Bus Riobamba – Hacienda Releche : 1h15, 1.25$
- Hacienda (2800m) – Refuge (3800m) : 12km – ↑ 5h30 ↓ 3h
- Refuge – Lagune (4100m) : 5km – ↑ 1h30 ↓ 1h15
- Prix nuit au refuge ou Hacienda : 20$ (bivouac : FREE !!)
Toujours passionnant ton récit
Merci
Tu forces l’admiration !!!
Quel courage ! même pas peur !!! Jamais..?
Tu t’adaptes avec brio même dans l’adversité altitude climat bouffe pas terrible, flotte et boue …
tu excelles en plus tu apprécies vraiment, tu m’épates
Bravo Fab reste prudent
Hey merci, Je crois que plus c’est difficile, plus ça me plaît ! Sinon il n’y aurait rien à raconter 😉
Ca fait tellement rêver !! Je suis trop contente pour toi que tu ai pu acheter tout le matos nécessaire pour pouvoir vivre ce genre d’aventure !
Faut dire que j’ai eu l’impulsion avec avec le brûleur ! Merci pour le cadeau les amis 😉
Salut, dans quelle boutique t as trouvé ton matos mon sac vient de me lâcher et j aimerais faire la rando
Salut Cyril, c’est une boutique de camping a Riobamba, quand j’y étais c’était la seule!
Elle était sur l’avenue Vicente Rocafuerte, au croisement avec l’avenue 10 de agosto.
Éclate toi bien, c’est magnifique !!